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Réunion de septembre (2) au CDJ : 2 plaintes fondées (The Belgium Times & autres ; L’Avenir) ; 2 plaintes non fondées (Le Soir ; 7sur7.be)

08/10/2024

Le Conseil de déontologie journalistique (CDJ) a rendu quatre décisions sur plainte lors de sa seconde réunion de septembre. Les plaintes fondées portent pour l’une sur le recours à des insinuations et des rumeurs non vérifiées pour défendre la thèse de la culpabilité d’une personne (The Belgium Times & autres pure players du groupe Bruxelles Média) et pour l’autre sur un défaut de prudence dans des titres qui posent la culpabilité de plusieurs personnes comme établie avant leur jugement (L’Avenir). Les plaintes non fondées ont trait à la question de l’identification par mention des initiales dans un dossier d’agressions sexuelles (Le Soir) et à la diffusion d’images violentes dans un article en ligne (7sur7.be).

La première plainte, déclarée fondée (24-10 T. Benabderrahmane c. L. H. / Bruxelles Média, The Belgium Times, Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, Le-Tribunal.be & Le Courrier africain), concernait un article du site web The Belgium Times – reproduit dans d’autres médias du groupe Bruxelles Média – qui s’intéressait aux raisons motivant l’arrestation de M. Benabderrahmane – le plaignant – au Qatar (association de malfaiteurs et intelligence avec un Etat étranger). Le plaignant reprochait à l’article d’être diffamatoire, rempli d’inexactitudes et de porter préjudice à sa réputation ainsi qu’à celle de sa famille. Le CDJ a relevé que le journaliste – qui avait choisi de défendre la thèse de la culpabilité de l’intéressé – n’avait pas correctement traité, recoupé et sourcé les informations qu’il diffusait, en avait omis d’autres essentielles qui allaient à l’encontre de sa vision du dossier, reprenait à son compte, sans s’en distancier, une série d’affirmations incriminant la personne mise en cause, avançait des insinuations à son propos et confondait son opinion avec les faits. Le CDJ a conclu que le journaliste, ainsi que tous les médias (web) du groupe Bruxelles Média qui en plus du Belgium Times avaient relayé l’article – Almouwatin, L’Europe info, The Paris Times, Le Député, LeTribunal.be et Le Courrier africain – s’étaient exposés à relayer une information tronquée et des rumeurs non vérifiées, au risque de servir des intentions sans aucun rapport avec le droit à l’information du public.

La deuxième plainte, déclarée non fondée (24-12 X c. C. M. / Le Soir), visait une enquête du Soir relative à des faits d’agressions sexuelles, de harcèlement et d’abus au Conservatoire de Bruxelles. Le plaignant reprochait son identification, rendue possible par la mention de ses initiales, et un conflit d’intérêts dans le chef de la journaliste (un des 19 témoins a un lien familial avec un collègue journaliste). Après avoir observé qu’il était nécessaire, pour la bonne compréhension des faits, que l’article mentionne le nom de l’établissement d’enseignement concerné, la matière dispensée par l’enseignant et sa pratique en cabinet privé, le CDJ a jugé légitime que la journaliste veille, par prudence, à préciser ses initiales afin d’éviter de jeter le doute sur des collègues dispensant la même matière. Le Conseil a noté que cette précision s’imposait également dans son cas précis au vu de la gravité des faits reprochés, qui font l’objet d’au moins quatre plaintes pénales, ont été dénoncés par l’administration, et à propos desquels la police enquête depuis plus d’un an. Le CDJ a par ailleurs constaté que l’accusation de conflit d’intérêts n’était pas établie.

La troisième plainte, déclarée fondée pour partie (24-14 D. Schiepers c. A. W. / L’Avenir), concernait un article de L’Avenir consacré à la décision de la chambre du conseil de renvoyer devant le tribunal correctionnel six responsables d’un groupe Facebook poursuivis pour cyberharcèlement. Le plaignant déplorait que le titre n’use pas du conditionnel alors qu’aucun jugement de condamnation n’avait encore été prononcé, considérant que l’article contient des inexactitudes et déplorant également le choix d’illustration. Le CDJ a relevé que les titres (versions papier et en ligne) de l’article contrevenaient à la déontologie en ce qu’ils posaient la qualification des faits reprochés aux personnes poursuivies comme établie alors que le tribunal ne s’était pas encore prononcé à son propos, et que l’article ne démontrait pas non plus sur quelles bases cette conviction reposait. Le Conseil a estimé que les mentions relatives au renvoi des inculpés devant le tribunal qui accompagnaient cette affirmation dans les éléments de la titraille n’y changeaient rien dès lors que le lecteur ne pouvait se défaire de l’impression générale de culpabilité y amorcée. Le CDJ n’a pas retenu les reproches du plaignant visant l’article et le choix de l’illustration.

La quatrième plainte, déclarée non fondée (24-16 A. de Woot c. 7sur7.be), visait une vidéo associée à un article en ligne de 7sur7 consacré au procès d’un ancien ministre kazakh, accusé d’avoir battu sa femme à mort. Le plaignant déplorait principalement la diffusion d’une vidéo de « mise à mort », estimant que le seul objectif du média était de faire de l’audience et des profits au détriment de la victime. Le CDJ a relevé que la décision d’insérer une partie des images de vidéosurveillance qui attestaient des faits en cause répondait à l’intérêt général en ce qu’elles apportaient une plus-value significative à l’information : d’une part, la famille de la victime avait autorisé leur diffusion en audience du tribunal ; d’autre part, les images contribuent à visibiliser et à rendre tangibles l’acte commis et les enjeux de société dont il relève dans la société kazakhe. Le CDJ a considéré que cette diffusion résultait d’une décision rédactionnelle réfléchie qui avait veillé à restreindre l’usage des images à la mesure jugée nécessaire à l’information, et non d’une volonté de satisfaire la seule curiosité du public à des fins mercantiles.

Début octobre, 12 plaintes étaient en traitement au CDJ. Entre la première et la seconde réunion de septembre, 9 plaintes n’ont pas été retenues, soit parce qu’elles ne répondaient pas aux conditions de recevabilité formelle, soit parce qu’elles n’entraient pas dans le champ d’exercice de la déontologie journalistique, soit parce que l’enjeu déontologique soulevé n’était pas rencontré. Tous les plaignants en ont été dûment informés.

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