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Réunion de juillet au CDJ : 2 plaintes fondées (RTL-TVi (JT), Sudinfo) ; 2 plaintes non fondées (RTBF (#Investigation) & RTBF.be)

16/07/2024

Le Conseil de déontologie journalistique a adopté quatre décisions sur plainte lors de sa réunion de juillet (la dernière avant la rentrée scolaire). Deux plaintes ont été déclarées fondées, la première pour une déformation d’information dans le titre d’un article traitant de l’implication supposée d’une députée européenne dans l’affaire du Qatargate, la seconde pour vérification insuffisante d’un témoignage recueilli via un bouton d’alerte, qui incriminait des personnes rendues identifiables. Les deux autres plaintes, non fondées, soulevaient d’une part des questions déontologiques relatives au recours à une source unique comme un lanceur d’alerte, d’autre part à la possibilité pour un média de qualifier une publication d’alternative ou complotiste.

La première plainte, déclarée non fondée (23-25 L. Biemar c. F. C. / RTBF (#Investigation)), portait sur une enquête d’« #Investigation » (RTBF) consacrée à d’éventuelles exportations de machines à fabriquer des munitions de la société wallonne New Lachaussée vers la Russie. Le plaignant reprochait au journaliste d’avoir pris d’emblée fait et cause pour sa source, un lanceur d’alerte, sans questionner la valeur des éléments apportés. Il dénonçait plus globalement une enquête à charge à l’encontre de sa société et l’impossibilité de faire valoir équitablement son point de vue. Le CDJ a noté que l’enquête, principalement basée sur un rapport d’audit interne confidentiel faisant état d’anomalies quant au respect des mesures d’embargo par la société, et recoupée à d’autres sources et avis d’experts, avait été menée avec prudence. Il a relevé que rien dans le dossier ne permettait de considérer qu’il existait une connivence entre le journaliste et le lanceur d’alerte – auteur du rapport – témoignant à visage découvert. Relevant la spécificité des supports médiatiques utilisés (TV, radio, web), le CDJ a également constaté que la société mise en cause avait pu exercer son droit de réplique avant diffusion, et que le journaliste avait correctement rendu compte du sens et de l’esprit de ses réponses au regard de la spécificité des différents supports médiatiques utilisés.

La deuxième plainte, déclarée non fondée (23-31 Kairos et A. Penasse c. RTBF.be), concernait un article de décryptage de la RTBF consacré au réseau des personnes et entités actives dans la diffusion de contre-vérités sur le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle en milieu scolaire (Evras) en Belgique. La partie plaignante reprochait au média de créer des amalgames en l’associant, sans objectiver ni étayer raisonnablement son propos, à ce réseau de désinformateurs, qualifiant par ailleurs Kairos de média complotiste. Relevant que les constats posés s’appuyaient sur un travail d’enquête alliant observations de terrain et diverses autres données publiques, le CDJ a notamment noté que le média était en mesure d’affirmer que Kairos pouvait, d’une part, être relié à la plateforme Bon Sens Belgique et, d’autre part, être qualifié de média alternatif ou complotiste. Le CDJ a estimé que l’atteinte éventuelle à la réputation ou à l’honneur de Kairos et de son rédacteur en chef – dont la citation du nom se justifiait en contexte – ne relevait pas d’une faute déontologique dans ce dossier, la qualification de « complotiste » reposant sur une analyse sourcée, qui relevait par ailleurs de la liberté rédactionnelle du média.

La troisième plainte, déclarée fondée pour partie (23-46 M. Arena c. F. de H., P. N., R. G., D. SW. & L.D. / Sudinfo), visait six articles de Sudinfo consacrés à l’implication supposée de la députée européenne M. Arena dans l’enquête du Qatargate. La plaignante reprochait aux auteurs de la présenter comme coupable à l’aide d’affirmations sans nuances, souvent à l’appui de scénarisations abusives. S’il n’a retenu aucun des griefs formulés à l’encontre des articles mis en cause, le CDJ a néanmoins constaté que le titre de l’article qui évoquait la « promesse d’un beau poste à l’ONU pour services rendus » faite par le principal protagoniste de l’affaire à la plaignante était contraire à la déontologie. Le Conseil a en effet relevé qu’en n’employant pas de guillemets ou en ne faisant pas usage de la forme interrogative, le titre ne permettait pas au lecteur de comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un fait établi, mais d’une supposition qui ressortait de l’audition de personnes inculpées dans ledit dossier. Il a également constaté que, faute d’avoir rectifié l’erreur dans son édition papier, le média n’avait pas rempli correctement son obligation déontologique qui s’applique à l’ensemble des supports où l’information a initialement été diffusée, de manière à permettre aux personnes ayant déjà pris connaissance du fait erroné de s’en apercevoir et de saisir la teneur réelle de l’information.

La quatrième plainte, déclarée fondée (24-03 X c. RTL Info & RTL-TVi (JT)), concernait une séquence du JT (19h) et un article en ligne y lié de RTL Info consacrés au témoignage (via bouton d’alerte) d’un Belge qui, s’étant porté volontaire pour héberger deux ukrainiennes au début de la guerre en Ukraine, aurait été forcé de déménager en raison de leur mésentente. La plaignante regrettait que les informations – pour elle, erronées – n’aient pas été suffisamment vérifiées, notamment auprès des deux réfugiées, ce qui portait atteinte à leur honneur. Le Conseil a principalement retenu que les journalistes et le média avaient manqué de prudence en vérifiant insuffisamment les faits que dénonçait ce témoin. Il a estimé que les journalistes et le média s’étaient ainsi exposés à relayer des rumeurs non vérifiées, à user d’un témoignage dont la pertinence par rapport à l’objet du reportage et de l’article pouvait être contestable et à servir des intentions sans aucun rapport avec le droit à l’information du public, au détriment de la vérité mais aussi du respect des personnes mises en cause, rendues identifiables et dont le droit de réplique n’avait pas été sollicité.

 

Mi-juillet, 16 plaintes étaient en traitement au CDJ. Entre la réunion plénière de juin et celle de juillet, 4 plaintes se sont soldées par une solution amiable. 4 autres plaintes n’ont pas été retenues, soit parce qu’elles ne répondaient pas aux conditions de recevabilité formelle, soit parce qu’elles n’entraient pas dans le champ d’exercice de la déontologie journalistique, soit parce que l’enjeu déontologique soulevé n’était pas rencontré. Tous les plaignants en ont été dûment informés.

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