Au même titre qu’un article ou une émission ordinaire, l’interview est considérée, en droit, comme une information dont le journaliste est maître. Celui-ci est libre de la diffuser ou non. Il peut opérer les coupures et le montage des propos comme il l’entend, pour autant qu’il le fasse avec prudence et bonne foi : il devra respecter la nature et le sens des propos et ne pas en occulter les informations essentielles.
La justice considère donc que la personne interviewée ne peut pas exiger de lire ou de visionner l’interview avant diffusion pour soumettre celle-ci à son accord. Le journaliste peut même, sans qu’on le lui reproche ensuite, refuser de réaliser une interview si l’interlocuteur veut imposer cette clause d’autorisation préalable. Bref, dès lors qu’elle a accepté de donner l’interview, la personne n’a plus de droit sur le traitement et la diffusion de celle-ci.
Des juges ont parfois ouvert des espaces d’exception au principe. Ainsi, selon certains, un interviewé pourra exercer un droit de suite sur son interview s’il est considéré comme coauteur. Il faudra, pour cela, qu’il ait pris une part active et significative à l’élaboration originale de l’entretien. Autre exception, très coninfos_AJPée à l’époque (1989) : le droit reconnu à une personne d’interdire à la RTBF l’utilisation d’une interview accordée. La Cour d’appel de Bruxelles avait invoqué l’équilibre nécessaire entre la liberté d’expression des médias et le droit individuel du justiciable.
Tout cela ne doit pas empêcher un journaliste de faire éventuellement relire / visionner son travail par la personne interviewée. Mais, qu’on le fasse par courtoisie ou par prudence, cela devra être librement convenu avant l’entretien, et le type de corrections éventuelles bien défini. Il n’est pas inutile de rappeler à l’interviewé les exigences médiatiques dont le journaliste reste seul responsable : un langage médiatique spécifique, un espace limité, et des impératifs de bouclage…
Journalistes n°61, juin 2005, Jean-François Dumont
Source : Stéphane Hoebeke et Bernard Mouffe, Le Droit de la presse, Academia Bruylant