Au travers de leurs reportages, les journalistes sont confrontés à des situations traumatisantes qui ont un impact sur leur santé mentale. Le traumatisme vicariant, qui est un traumatisme indirect subi par les professionnels exposés quotidiennement à des situations émotionnellement fortes, est une réalité encore largement sous-estimée. Par ailleurs, le stress, les conditions de travail usantes dans la plupart des rédactions sont à la source de burnout et de dépressions. Ici encore, pouvoir identifier ces risques est indispensable.
Les situations traumatiques
L’étude de l’impact sur la santé mentale des journalistes s’est d’abord concentrée sur les correspondants de guerre mais elle s’étend désormais aussi à d’autres sujets comme les catastrophes naturelles ou les situations violentes.
J-Source
Le site du Projet canadien du journalisme (en français et anglais). En lien avec les écoles de journalisme et les organisations professionnelles, ce site fournit de nombreuses ressources sur les questions de sécurité, santé mentale et bien-être des journalistes, à l’exemple de la boîte à outils « Un journalisme sensible aux traumatismes »
Centre national de ressources et de résilience (Cn2r)
Ce centre spécialisé, créé après les attentats de 2015 en France, a publié en mai 2024 une note, très concrète, de 13 pages intitulée Psychotraumatismes et journalistes. Comprendre, se protéger et agir, qui traite plus particulièrement du traumatisme vicariant.
Sécurité des journalistes chargés de couvrir des situations traumatisantes et de détresse (Jo Haley, UNESCO, 2022, 16 pages)
Prendre conscience des éventuelles conséquences du travail des journalistes sur les personnes qu’elles rencontrent dans leurs reportages, mais aussi sur leur propre personne. A consulter ici.
Hélène Maillé, Revenir avec plus qu’un reportage : La couverture d’un événement traumatique de proximité et sa gestion émotionnelle – Le cas des journalistes et photojournalistes ayant couvert des attentats au Québec, en Belgique et en France.
Ce mémoire est fondé sur des interview de 15 journalistes et contient des recommandations spécifiques.
Sam Dubberley Elizabeth Griffin Haluk Mert Bal, Making Secondary Trauma a Primary Issue: A Study of Eyewitness Media and Vicarious Trauma on the Digital Frontline, Eyewitness Media Hub, 2015.
L’une des premières études des conséquences mentales sur les journalistes du visionnage de vidéos potentiellement traumatisantes
Amnesty International. Les victimes cachées de la répression : comment les militant·e·s et les journalistes peuvent-ils se protéger des traumatismes secondaires ?
Article à consulter ici.
The Self-Investigation
Cette association organise en particulier le Sommet mondial de la santé mentale (pour journalistes). A lire : l’interview de sa fondatrice, la journaliste espagnole Mar Cabra, sortie épuisée des enquêtes pour l’ICIJ (International Consortium of Investigative Journalism).
Anthony Feinstein, Reporter de guerre. Ils risquent leur vie pour l’information!, Editions Altipresse, Levallois-Perret, 2013, 256 pages.
Rédigé par un professeur de psychiatrie de l’Université de Toronto, spécialisé dans les traumatismes liés au journalisme, ce livre se fonde sur des dizaines d’interviews de correspondants de guerre. Des témoignages interpellants, des explications éclairantes.
Prenez soin de vous, Rapport du Forum du journalisme canadien sur la santé mentale, le bien-être et les traumatismes chez les travailleurs des médias canadiens, 2022, 43 pages.
Rapport très complet, il aborde l’effet Covid, l’environnement de travail, le harcèlement, l’exposition spécifique aux traumatismes, les traitements personnels, les initiatives collectives au sein des rédactions.
Les reportages à risque
Certains reportages exposent davantage à des situations émotionnelles fortes. C’est le cas de la couverture de la violence sexuelle mais aussi de celle des migrations où les journalistes sont parfois confrontés à des actes qui transgressent leurs valeurs morales parce qu’ils ne peuvent intervenir dans les situations d’aide ou de secours.
Anne-Marie Impe, Comment informer sur les violences contre les femmes ? AJP, 2021, 114 pages.
Un guide concret, dix recommandations, des exemples de bonnes et de mauvaises pratiques, des ressources. En n’oubliant pas que la couverture de ce sujet peut aussi influer sur la sécurité et la santé mentale des journalistes.
Anne-Marie Impe, Informer sur les violences à l’égard des filles et des femmes. Manuel pour les journalistes, UNESC0, 2019, 160 pages.
Ce manuel présente dix formes de violences contre les femmes. Définitions, chiffres, explications et mises en contexte y sont accompagnés de conseils et bonnes pratiques de couverture journalistique propres aux sujets abordés.
Bénédicte Gilles, « Violences sexistes et sexuelles: ces enquêtes qui hantent les journalistes », La revue des médias, INA (Institut national de l’audiovisuel), Paris, 29 juin 2023.
Article à consulter ici.
Anne-Marie Impe, Comment couvrir les migrations de manière éthique et pertinente ? Guide à l’usage des journalistes, FEJ, 2023, 32 pages.
Ce manuel analyse les dérives et manquements des couvertures médiatiques du phénomène migratoire. Informer sur le trafic de migrants et la traite des êtres humains comporte des risques élevés pour la sécurité et la santé mentale des journalistes
Anthony Feinstein, Bennis Pavisian, Hannah Storm, « Journalists covering the refugee and migration crisis are affected by moral injury not PTSD », Journal of the Royal Society of Medecine, Canada, mars 2018.
Cet article souligne en particulier le risque pour les journalistes d’être affecté par ce que les auteurs appellent la « blessure morale » (moral injury), c’est-à-dire « la blessure causée à la conscience ou à la boussole morale d’une personne », quand celle-ci assiste à des actes qui transgressent ses valeurs morales, en particulier lorsqu’elle échoue à les empêcher. Les journalistes sont plus affectés que d’autres intervenants, comme les humanitaires ou les sauveteurs, dans la mesure où leur métier leur impose de garder une distance. Cette blessure reflète souvent un sentiment de culpabilité, de honte et d’impuissance.
Bien- être au travail
Dans les rédactions, les burn-out ont explosé au cours de ces dernières années. La précarisation du métier de journaliste, l’épuisement sont à l’origine d’un nombre important d’abandon du métier. Plusieurs livres et enquêtes font le point sur une source importante d’atteintes à la santé mentale des journalistes
Hélène Brédart, Le burn-out des journalistes, symptôme d’un malaise dans les rédactions, HesaMag, 1er semestre 2017, Institut syndical européen/ETUI, Bruxelles.
Une description de l’ensemble des questions de santé mentale et de bien-être au travail dans un métier en transition et en voie de précarisation.
“Stress Presse”, journalistes au bord de la crise de nerfs.
Dans ce podcast, Julien Bonnet donne la parole à des confrères et consœurs touchés par le burn-out, la dépression et les arrêts maladies.
Aldana Valdes, Que faire si vous avez besoin de vous éloigner du journalisme, IJNET
Un article sur le mal-être au sein des rédactions et sur les questions que les journalistes devraient poser (à leurs direction, à leurs collègues) et se poser (quel type de journaliste j’aimerais être, puis-je me réaliser au sein des médias pour lesquels je travaille?)
Jean-Marie Charon, Adénora Pigeolat, Hier, journalistes: ils ont quitté la profession, Entremises éditions, Paris, 2021
Ce livre-enquête décrit, parmi les causes de l’abandon de la profession,la perte de sens, le désenchantement et le désengagement par rapport à un métier dont ils avaient rêvé comme une passion. Des choix personnels qui sont autant d’indices d’une transformation fondamentale des entreprises de presse, du système d’information et, dès lors, inévitablement des conditions d’exercice du journalisme.
Dans cette interview sur France Inter, les auteurs offrent une description détaillée de ce phénomène et signalent un certain nombre de bonnes pratiques au sein de rédactions françaises.
Jean-Marie Charon, Jeunes journalistes. L’heure du doute, Entremises éditions, Paris, 2023.
Une enquête éclairante sur le malaise des jeunes journalistes, confrontés à la précarité sociale et financière, à la verticalité de la chaîne hiérarchique, à la durée abusive du temps de travail, aux discriminations, au sexisme, à la solitude.
Clémence Petit, Elena Louazon, Le journalisme à l’épreuve des violences : assignations et stratégies d’adaptation dans les rédactions belges francophones »
Doctorantes de l’UCLouvain et de l’ULB, les autrices y étudient la vulnérabilité des journalistes face à la violence (harcèlement en ligne, agressions physiques en reportage ou discriminations au sein des rédactions) et les stratégies mises en place pour y répondre
Les conditions de travail des journalistes. Par le Service public fédéral Emploi travail, concertation sociale/BeSWIC.
Ce site offre une série de liens vers des études (en français, anglais et néerlandais) analysant les conditions d’exercice du journalisme (dont l’impact des mutations professionnelles, les phénomènes d’épuisement, de sécurité et de précarité, etc.).