La violence contre les journalistes est multiforme. Les agressions physiques, les intimidations, le harcèlement en sont les manifestations les plus courantes. Connaître ses caractéristiques, ses origines, les principaux acteurs concernés fait partie d’une « culture de sécurité ». Des réseaux de journalistes, des centres de référence, des ONG spécialisées peuvent être utilement contactées avant tout reportage dans des pays étrangers pour évaluer les risques et préparer sa mission.
Pour s’informer avant de partir
Dart Center for Journalism and Trauma
Basé aux Etats-Unis, ce centre de référence offre d’innombrables ressources (fiches pratiques, manuels) spécifiquement dédiées aux journalistes qui couvrent des événements à fort impact émotionnel (guerre, tueries de masse, désastres naturels, épidémies, accidents).
Journalists in distress (JiD)
Ce réseau rassemble une vingtaine de grandes associations de journalistes et de défense de la liberté d’expression. Il sert en quelque sorte de forum et de centre de dispatching pour les initiatives de protection des journalistes, en indiquant sous chaque organisation membre les services qu’elles peuvent fournir aux journalistes en situation d’urgence (assistance financière, exfiltration, maison refuge, aide juridique, etc.).
Ministère belge des affaires étrangères
Des sociétés privées comme International SOS proposent des évaluations payantes des risques pays. Mais des ministères des Affaires étrangères offrent aussi sur leur site des « conseils aux voyageurs » qui donnent une première idée des risques encourus (sécurité, délinquance, santé) en cas de reportage dans un pays étranger.
Armed Conflict Location & Event Data Project
Ce site fournit des informations et analyses détaillées et actualisées sur la violence dans le monde (conflits armés, mouvements de protestation, etc.) qui permettent d’objectiver l’évaluation des risques lors d’un reportage à l’étranger.
Rapport annuel d’Amnesty International
Ce rapport évoque la situation des droits humains qui reflète très souvent la situation de sécurité des pays et, dès lors, les risques (arrestation, enlèvement, menaces, expulsion, etc.) auxquels peuvent être confrontés des reporters internationaux
Comment se préparer ?
Quelles assurances prendre ? Comment s’équiper ? Comment assurer sa protection personnelle ? L’Association des Journalistes Professionnels (AJP) et d’autres organisations comme le Commettee to Protect Journalist (CPJ) assurent des formations ou fournissent des documents de base.
Formation à la sécurité physique et mentale des journalistes.
Ce programme de formation de l’AJP comprend la gestion du risque sur différents terrains d’intervention (préparation d’une mission dans un environnement hostile, analyse des risques, zones à éviter, matériel de secours, utilisation correcte de l’équipement), cyber-harcèlement et sécurité numérique, gestes de premier secours, riposte aux agressions verbales, etc.
L’AJP propose également dans le cadre de ses modules de formation Safety de la Summer School, une formation aux « gestes qui sauvent », une compétence qui a été tragiquement mise en lumière par la mort en 2011 en Libye du photo-journaliste Tim Hetherington, un drame qui aurait pu être évité s’il avait reçu des premiers secours et qui a conduit son ami Sebastian Junger à créer RISC (Reporters Instructed in Saving Colleagues), à l’intention surtout des journalistes freelance.
Le CPJ fournit une série de ressources et de liens sur la préparation d’une mission dangereuse : formulaire d’évaluation des risques, formations, sources de financement, assurances, équipements de protection personnelle (PPE, casque, gilet pare-balles, etc.), préparation médicale et au traumatisme, sécurité numérique.
Columbia Journalism Review
La revue de l’école de journalisme de la Columbia University évoque l’importance de l’évaluation des risques avant de s’engager dans un reportage ou une enquête
Jean-Paul Marthoz, Journalisme international, De Boeck Supérieur, collection InfoCom, 2018, 3e édition, 302 pages.
Ce manuel consacre une large part aux questions de sécurité des journalistes et de leurs sources, notamment dans son chapitre « Partir en reportage »
Plus spécifiquement orienté vers les femmes journalistes :
Knight Center.How to report safely: strategies for women journalists and their allies.
Un cours, sous-titré en français, qui couvre les questions fondamentales de sécurité, spécialement à l’intention des femmes journalistes.
Assurances, numéros d’urgence :
Enfin, il est indispensable de bien s’assurer avant de partir. Voici quelques références.
RC Professionnelle, AGJPB.
L’assurance en responsabilité civile professionnelle, proposée par l’AGJPB (Association générale des journalistes professionnels de Belgique). Elle inclut une protection juridique.
Assurance pour journalistes indépendants, RSF
A l’attention des journalistes membres de RSF, qui partent en reportage en dehors de leur pays d’origine.
Insurance for the media. Une assurance globale, conseillée par ACOS, pour les journalistes indépendants, mais aussi leurs fixeurs en mission dans des zones dangereuses.
+41 22 730 34 43
Le numéro du CICR (Comité international de la Croix Rouge, Genève) spécialement dédié aux journalistes. A contacter en cas d’arrestation, de blessures, d’enlèvement, de disparition.
Les reportages à risque
En Belgique également, certains reportages et certaines enquêtes entraînent davantage de risques pour la sécurité des journalistes et pour la liberté de la presse en général. Il faut pouvoir les identifier, s’y préparer et savoir comment réagir en cas de problème.
Couvrir les manifestations
Frank Smyth, Sécurité des journalistes couvrant les manifestations : préserver la liberté de la presse en période de troubles, UNESCO, 2020, 16 pages.
Ce texte décrit les formes que prennent les violences contre la presse lors de manifestations ou d’émeutes, qu’elles viennent des forces de police ou des protestataires. Il présente aussi les « bonnes pratiques » pour assurer la protection des journalistes
Les violences policières et les droits des journalistes
Le guide des bonnes pratiques des relations entre la presse et la police, ECMPF (Centre européen pour la liberté des médias et de la presse), 2020.
Ce Code, soutenu par la Fédération européenne des journalistes, comporte huit clauses qui définissent les droits des journalistes face à la police, en particulier lors de leur couverture d’événements publics, tels que des manifestations.
Les recommandations du rapport Delarue sur les relations entre la presse et les forces de l’ordre (France)
Ce rapport de la Commission indépendante présidée par un haut-fonctionnaire spécialisé dans les questions de justice et de droits humains a été déposé en 2021. Il avait été suscité par la forte dégradation des relations entre la presse et les forces de l’ordre, en particulier lors des manifestations des Gilets jaunes. Il contient 32 propositions visant à garantir “le droit à la protection de la vie et de l’intégrité de la personne, la défense de l’ordre public et de la liberté d’informer” lors des opérations de police couvertes par les journalistes. Une source intéressante pour définir ces relations presse-police dans un cadre de défense des libertés.
La réaction de RSF à ce rapport.
Sur la question plus spécifique du droit de filmer des policiers et de diffuser ces images
- La réponse de l’AJP
- Le point de vue de la Ligue belge des droits humains
- Comment la police belge aborde cette question
Informer sur les groupes criminels organisés
Enquêter sur la criminalité organisée suppose parfois avoir recours, en dernier ressort, aux techniques d’infiltration. Cette forme de journalisme comporte des risques majeurs de sécurité et soulève des questions délicates de déontologie. Ce guide du GIJN présente les défis à relever et les mesures à suivre quand on s’engage dans cette « clandestinité » journalistique.
Le Guide de sécurité des journalistes sur le crime et la corruption (CPJ) donne des conseils concrets sur l’évaluation et la mitigation des risques quand on couvre les groupes criminels.
Le rapport d’Europol sur les réseaux les plus menaçants de la criminalité organisée Decoding EU’s most threatening criminal networks, avril 2024.
Global Initiative Against Organized Crime : Un réseau de plus de 600 experts spécialisés dans l’étude de la criminalité organisée. Très utile pour évaluer de risques et trouver des sources d’expertise
Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP, Sarajevo) : Cette initiative de journalisme collaboratif transfrontalier s’est aussi donné pour mission d’appuyer les journalistes d’investigation, qui enquêtent sur la criminalité et la corruption, et de renforcer les conditions de sécurité physique et numérique. (info@occrp.org)
Couvrir les mouvements extrémistes et le terrorisme
Informer sur les mouvements violents nécessite également une information préalable. Les journalistes sont de plus en plus ciblés par des régimes autoritaires et par des groupes criminels ou extrémistes qui opèrent au-delà de leurs frontières. Des journalistes en Europe, dont la Belgique, ont été « pistés » par des services de sécurité étrangers, qui ont notamment eu recours au logiciel espion Pegasus. Les journalistes exilés sont particulièrement dans la ligne de mire.
Freedom House
Ce rapport de Freedom House (Washington) décrit les caractéristiques de cette répression sans frontières et fait des recommandations
Le Global Investigative Journalism Network (GIJN) donne des conseils pour enquêter sur les groupes d’extrême droite à travers le monde
Investigative Tips for Safely Tracking Far-Right Extremist Chatter (GIJN). Des conseils très concrets pour garantir sa sécurité (physique et numérique) lors d’enquêtes sur des organisations extrémistes.
Avi Asher-Schapiro, Journalists covering US white supremacists must weigh risks to selves and families, CPJ, mars 2018. Un article sur l’extrême droite américaine, qui relève les risques de représailles pour les journalistes et leurs proches. Des réflexions pertinentes pour la couverture de toute forme d’extrémisme dans le monde.
Jean-Paul Marthoz, Les médias face au terrorisme, UNESCO 2017, Paris, 105 pages.
Ce manuel inclut un chapitre consacré à la sécurité des journalistes: sur les lieux d’attentats; lors d’enlèvements et prises d’otages et dans les conflits armés liés à la « guerre contre le terrorisme ». Il aborde également les questions de surveillance et la protection des sources, ainsi que le risque de traumatisme causé par la couverture du terrorisme.
OCAM
Enfin, l’OCAM, organe de coordination pour l’analyse de la menace, est un indicateur des risques pour la Belgique.
Couvrir les élections
Ces conseils s’appliquent surtout à des pays autoritaires ou déchirés par des conflits (de type communautaire, relevant de la criminalité organisée, etc.), mais certains d’entre eux concernent aussi des démocraties en voie de polarisation.
Guide de sécurité du CPJ (Comité pour la protection des journalistes, New York).
Des informations très précises, jusqu’aux détails vestimentaires (couleur et matière des vêtements, etc.) ou aux itinéraires d’évacuation et aux points de regroupement d’urgence médicale, etc.
Le Guide pratique du journaliste en période électorale (RSF-Union internationale de la Francophonie)
Journalist safety: elections. CPJ (New York).
Le « safety kit » présente les différentes mesures à prendre, de la sélection de l’équipe chargée de couvrir les élections à la gestion du stress lors de manifestations hostiles.
Holly Pate, Joanna de Marco, Couvrir une élection : conseils par – et pour – des femmes journalistes, GIJN, 8 mars 2024.
Couvrir les crimes environnementaux
Entre 2009 et 2023, 44 journalistes couvrant les questions environnementales ont été tués. Plus de 70% des journalistes interviewés (749 sur 905) ont déclaré avoir été victimes d’actes de violence. C’est ce qui ressort notamment du rapport 2024 de l’Unesco.
France Médias Monde
Le traitement de l’information environnementale peut s’avérer dangereux. Une vidéo de 3,5 minutes réalisée par le CFI, l’agence française de formation aux médias.
Press and planet in danger: safety of environmental journalists; trends, challenges and recommendations.
Selon ce rapport de l’UNESCO, publié en 2024, 44 journalistes couvrant les questions environnementales ont été tués entre 2009 et 2023. Plus de 70% des journalistes interviewés (749 sur 905) ont déclaré avoir été victimes d’actes de violencesBarbara Trionfi, Climate and environmental Journalism Under Fire, International Press Institute, Vienne, 2024.
Ce rapport décrit les risques encourus et propose à la fois un plan d’action et des mesures pratiques pour assurer une meilleure sécurité des journalistes.
Guide du GIJN (Global Investigative Journalism Network) sur les crimes environnementaux (F)
Le GIJN explique comment enquêter sur les crimes contre l’environnement, en assurant au maximum sa sécurité. Il évoque notamment la technique du « journalisme d’infiltration » (undercover journalism), utilisée « en dernier recours » pour ce type d’enquête