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Payé à 100% en droits d’auteur ? Attention, danger !

06/01/2011

Pour un juriste de l’INASTI, le journaliste dans cette situation risque bien de perdre toute protection sociale.

Article publié dans Journalistes n°115 (mai 2010)


CLOUUn ouvrage récemment publié chez Kluwer par Vincent Franquet, juriste à l’INASTI, sur le statut social des  travailleurs indépendants (1) confirme ce que nous savions déjà depuis presque deux ans : il est très dangereux, du  point de vue de la sécurité sociale, pour les journalistes indépendants d’être rémunérés uniquement en droits d’auteur pour leurs prestations. Ils peuvent en effet dans ce cas perdre toute protection sociale !

En vertu de  l’article 5 de l’arrêté royal n°38 organisant le statut social des travailleurs indépendants, les journalistes, les correspondants de presse et les personnes jouissant de droits d’auteur ne sont pas assujettis au statut social des travailleurs indépendants pour ces activités-là. A une condition: ces personnes cotisent déjà dans le cadre d’un autre statut social leur procurant  un statut social au moins équivalent à celui des travailleurs indépendants (régime des salariés ou des fonctionnaires généralement). C’est, par exemple, le cas d’un journaliste engagé par ailleurs comme salarié à mi-temps au moins, un chômeur, un prépensionné ou un pensionné (voir le Guide du Journaliste indépendant de l’AJP).

Bien qu’ayant plus de quarante ans, cette disposition, d’une simplicité apparente, n’avait jamais été étudiée en profondeur. C’est à cette lourde tâche que s’est attelé Vincent Franquet. Et ses conclusions confirment ce que la SAJ et l’AJP n’ont cessé de répéter.

Origines, applications et conséquences

L’étude de M. Franquet est divisée en trois parties. La première est consacrée à la recherche des origines de cette importante exception à l’assujettissement ainsi qu’à sa justification. Selon l’auteur, l’article 5 poursuit un but de préservation et de promotion culturelle. En effet, grâce à cette disposition, toute discussion est évacuée quant au caractère professionnel (au sens d’activités habituelles générant des rentrées financières) ou purement occasionnel des activités culturelles concernées.

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, l’auteur analyse avec beaucoup de minutie le champ d’application de l’article 5 (les journalistes, les correspondants de presse et les personnes jouissant de droits d’auteur) ainsi que les conséquences pratiques de son application (le non assujettissement au statut social des travailleurs indépendants de ces trois catégories de personnes lorsqu’elles  bénéficient déjà d’un statut social au moins équivalent).

Dans la troisième partie de son livre, M. Franquet examine la question des incidences possibles du nouveau régime fiscal des droits d’auteur (loi du 16 juillet 2008 dont Journalistes a parlé à de nombreuses reprises déjà) sur cette disposition (2). La question est de déterminer les conséquences, en terme de couverture sociale, pour le travailleur indépendant (et le journaliste en particulier) qui serait rémunéré exclusivement en droits d’auteur, dont ces revenus ne dépasseraient pas le plafond au-delà duquel ils sont considérés comme des revenus professionnels (soit, pour l’exercice d’imposition 2010, 51.920€) et qui  ne serait pas assujetti au statut social des travailleurs indépendants en raison d’une autre activité.

Deux scénarios

Pour ce journaliste indépendant, il existe ici uniquement deux possibilités: soit le journaliste continue à être assujetti à la sécurité sociale des indépendants mais en ne pouvant cotiser que pour la cotisation minimum avec les conséquences négatives que l’on peut facilement imaginer pour le calcul des pensions (3), soit, il est tout simplement exclu de l’assujettissement à la sécurité sociale. Après  analyse, l’auteur arrive à la conclusion que, bien malheureusement, c’est la deuxième hypothèse qui devrait logiquement primer, dès lors que, dans la philosophie de la loi du 16 juillet 2008, les revenus de droits d’auteur (en-dessous du plafond) sont considérés comme ne provenant pas d’une activité professionnelle.

Pour Vincent Franquet, l’article 5 n’a donc plus aucune raison d’être ni aucune utilité pour les personnes qui jouissent de droits d’auteur, sans percevoir par ailleurs de revenus professionnels dans le cas où ces droits d’auteur ne dépassent pas le plafond fixé par la loi de 2008. Il en conclut donc que, jusqu’à ce plafond, on peut sérieusement soutenir que la loi de 2008 a pour effet d’exclure les personnes payées exclusivement en droits d’auteur de l’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants, sauf si elles ont une autre activité justifiant cet assujettissement.

Un indépendant avertit en vaut deux.

Axel Beelen
juriste à la SAJ


Notes

  • (1) « L’exception culturelle au statut social des travailleurs indépendants: évolution ou dérive ? – Considérations sur l’article 5 de l’arrêt royal n° 38 du 27 juillet 1967 et sa justification aujourd’hui « , Etudes pratiques de droit social, 2010/2
  •  (2) Pour éviter toute ambiguïté, il est à préciser que cette étude n’engage que son auteur et non pas l’INASTI (cf. avertissement en tête de la publication).
  •  (3) Dans le cadre de cette première thèse, l’auteur souligne également la difficulté d’identifier le travailleur indépendant, étant donné l’absence de communication de revenus par l’administration fiscale, sauf dans le cas d’une éventuelle enquête du service d’inspection de l’INASTI.

 

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