Communiqués

Les journalistes jugent sévèrement ce métier qu’ils aiment

07/10/2008

07-10-2008

Pour la première fois en Belgique francophone, l’ensemble des journalistes professionnels, de tous médias et de tous statuts, ont été interrogés sur leur profession et leurs pratiques.

» Télécharger les résultats de l’enquête publiés dans Journalistes n°96 (septembre 2008) (pdf)

Cécile BertrandDans le cadre de son mémoire de fin d’études à l’UCL (Ecole de journalisme), Céline Fion avait reçu l’appui logistique de l’Association des Journalistes professionnels de Belgique (AJP) pour ce sondage grandeur nature, réalisé par courriel entre le 26 juin et le 10 juillet 2008. Il s’agissait de recueillir le sentiment et le jugement des journalistes sur leur profession et son évolution, sur leurs raisons de l’aimer ou leur intention de le quitter, sur leurs conditions de travail et ce qui menace le métier, ou sur leurs relations à Internet et les évolutions multimédias. Cette enquête a bénéficié d’un taux de réponse exceptionnel de 35% puisque 754 des 2.102 personnes contactées y ont réagi.

Le moral des journalistes est manifestement en demi-teinte. Alors qu’ils sont 87,8% à s’estimer libre dans l’exercice de leur métier, et 82% à se déclarer heureux d’être journalistes, les répondants jugent, dans les mêmes proportions (80%), que le métier évolue « plutôt négativement ». Et ils sont 52,7% seulement à juger leurs conditions de travail satisfaisantes. Les mécontents, à ce propos, se rencontrent surtout dans les agences et en presse quotidienne, chez les indépendants et les plus âgés.

Les mauvaises conditions de travail constituent la première des raisons évoquées par les 40%(!) de ceux qui envisagent de quitter le journalisme avant la fin de leur activité professionnelle. Les femmes dénoncent ensuite l’excès de temps consacré au travail, et les hommes l’impression d’avoir tout exploré.

On aime ce métier d’abord pour les rencontres sur le terrain (seule proposition à recueillir plus de 50% des suffrages), pour la diversité des activités et pour l’apprentissage permanent qu’il permet. En fin de classement, les voyages, la recherche de la vérité et la notoriété sont pointés par moins de 5% des répondants. Mais les journalistes identifient aussi une série de menaces pour l’avenir dont, principalement, la concentration des médias (pour 70%) et le journalisme multimédia (pour 54%), quand bien même celui-ci n’est pratiqué que par 4 professionnels sur 10. Une surprise à ce propos : le plus grand nombre des inquiets face au multimédia se rencontre chez les moins de 35 ans.

Pour l’AJP, cette étude pointe un malaise réel dans la profession, lié essentiellement aux conditions de travail. A l’engouement des jeunes et à leur vision quasi romantique du métier succède assez rapidement la désillusion, due aux contradictions entre les attentes et la réalité de l’exercice de la profession. Ce constat, que l’AJP avait déjà mis au jour dans Le Livre noir des journalistes indépendants (2006) vaut également pour les journalistes salariés. La question salariale reste au centre des préoccupations des « bas revenus ».
Le malaise professionnel des journalistes est dû à l’insuffisance des effectifs rédactionnels et à son corollaire direct, l’insuffisance de temps en raison de la charge de travail. Les professionnels sont conscients que ces facteurs ont une incidence négative sur la qualité de l’information, menacée par le conformisme et par les pressions économiques.

Voilà qui (re)fonde l’action de l’AJP : améliorer le statut des professionnels et les conditions de production de l’information permet d’agir sur la qualité de l’information. Un combat de longue haleine, qui est tout sauf corporatiste.

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