Les femmes dans l’info : un léger mieux
En quinze ans, la représentation des femmes dans les reportages s’est améliorée. Mais le chemin à parcourir vers l’équité reste énorme, selon le rapport préliminaire du « Projet mondial de monitorage des médias ».
Les femmes, soit plus de la moitié de la population, ne représentent que 24 % des personnes interviewées, entendues, vues ou lues dans les médias. Seulement 16 % des actualités sont spécifiquement centrées sur des femmes. La parité est presque atteinte pour les femmes dans les reportages où on demande aux gens d’exprimer leur opinion sur un sujet donné. Toutefois, dans les interviews d’experts, les femmes ne représentent qu’un cinquième des personnes interrogées, et les hommes sont fortement prédominants quand il s’agit de témoigner et de faire partager leur expérience personnelle.
Les médias francophones belges aussi
Ces constats sont ceux du rapport préliminaire de l’étude « Projet mondial de monitorage des médias » (GMMP) 2010, réalisée tous les 5 ans depuis 1995. Comme chaque fois, une journée ordinaire d’information – c’était le 10 novembre 2009 – a été passée au crible par les groupes de bénévoles de 130 pays partout dans le monde (1). Ils ont décortiqué les informations dans leurs journaux nationaux écrits et audiovisuels (radio et télévision). Crayons et grilles de codage à la main, leur objectif était d’observer, d’analyser et de relever les résultats de leurs observations dans l’actualité à l’aide d’indicateurs de genre. L’objectif primordial du GMMP est d’avancer une représentation juste et équitable du genre dans et à travers les médias.
La Belgique figure parmi les pays étudiés. Mais jusqu’à présent, seuls les médias de la Communauté flamande étaient analysés. Cette fois, et pour la première fois, les médias francophones belges ont été scannés eux aussi. C’est l’AJP que coordonne cette initiative. Voici quelques mois, elle sollicitait et obtenait une subvention de la Communauté française pour permettre à un groupe de chercheuses d’analyser les médias au sud du pays.
Epouses, mères ou filles
Le rapport contient les résultats préliminaires (2) portant sur un échantillon de 42 pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine, des Caraïbes, des îles du Pacifique et d’Europe et concernent 6.902 articles et 14.044 sujets d’actualités et interviews. Il constate que 48% des reportages renforcent les stéréotypes des genres tandis que 8 % des reportages les remettent en question. Dans les informations, les femmes sont cinq fois plus souvent identifiées par leurs relations familiales (en tant qu’épouses, mères ou filles) que les hommes. En général, les reportages réalisés par des femmes sont bien moins nombreux que les reportages réalisés par des hommes. Dans les reportages réalisés par des femmes figurent beaucoup plus souvent des femmes que les reportages réalisés par des hommes et remettent en question presque deux fois plus souvent les stéréotypes des genres que ceux réalisés par des hommes.
Plus généralement, l’étude révèle que les femmes restent, par rapport aux hommes, largement sous-représentées dans les médias. Elle met également en évidence la rareté du point de vue et des opinions des femmes par rapport aux perspectives masculines dans les médias, ce qui entraîne une représentation du monde centrée sur l’homme, dans laquelle les femmes sont largement absentes.
La comparaison des résultats avec ceux des trois dernières études permet de distinguer des signes encourageants en matière d’équité et de sensibilisation au genre dans les médias. Les sujets féminins dans les reportages sont passés de 17 % à 24 % au cours des 15 dernières années. La parité est quasiment atteinte dans les reportages concernant le point de vue populaire par rapport à 2005 où 66 % des opinions étaient exprimées par des hommes.
Plus nombreuses dans les écoles, mais…
Réagissant à ces premiers résultats, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) déplore le manque de visibilité des femmes dans l’information. Aidan White, son secrétaire général, souligne que « La représentation juste des genres est une aspiration professionnelle et éthique, similaire au respect pour la vérité, l’équité et l’honnêteté » et demande aux médias de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la présence des femmes dans l’information, dans la profession comme dans les sujets traités.
La FIJ déplore aussi la faible proportion de femmes ayant accédé aux postes de responsabilité dans les médias. Selon une étude qu’elle a menée au Moyen orient et dans le monde arabe, et dont les résultats ont rendus publics le 8 mars au Bahreïn, la nette augmentation du nombre d’étudiantes dans les universités et les écoles de journalisme ne masque pas le retard qu’ont pris les femmes sur leurs homologues masculins quand il s’agit d’accéder aux postes de direction des rédactions et des syndicats. Le constat vaut également pour l’Europe, et certainement pour la Belgique : les postes de direction et de rédaction en chef des médias sont 7 à 8 fois sur 10 détenus par des hommes (3).
Notes
(1) Le projet mondial de monitorage des médias est coordonné par l’Association mondiale pour la communication chrétienne (WACC), une ONG internationale dont les bureaux se trouvent au Canada et au Royaume-Uni, et dont l’objet est de promouvoir la communication en vue du changement social, en collaboration avec l’agence d’analyse de données, Media Monitoring Africa en Afrique du Sud. Gender Links, organisation également basée en Afrique du Sud, a apporté ses conseils en matière de définition des outils de monitorage et de précision de la méthodologie. Les bénévoles qui ont participé à la journée de monitorage sont des militants du genre et des médias, des organisations de base qui s’intéressent à la communication, des chercheurs universitaires et des étudiants en communication, des professionnels des médias, des associations de journalistes, des réseaux de médias alternatifs et des groupes de croyants. Le projet est soutenu par le Fond de développement des Nations unies pour la femme (UNIFEM).
(2) Le rapport préliminaire est disponible en anglais sur le site www.whomakesthenews.org. Le document de synthèse est disponible en français et en espagnol. Les rapports mondiaux, régionaux et nationaux définitifs seront publiés en septembre 2010.
(3) « Femmes au sommet », rapport de l’Institut pour l’égalité des Femmes et des Hommes, 2008 (plus particulièrement le chapitre « Médias / Rédactions », pp.33 à 41).