Le CDJ rappelle l’indispensable liberté rédactionnelle présidant aux modalités d’organisation des débats, qu’ils soient électoraux ou non
En marge de deux décisions qu’il vient de rendre d’initiative (autosaisine) et à la demande d’un média (demande d’avis), le CDJ rappelle une série de principes liés à l’organisation des débats, que ces derniers interviennent ou non pendant la campagne électorale. Ces décisions du Conseil, qui portent sur des plaintes que le CSA ne lui a – à nouveau – pas transmises, insistent sur l’indépendance rédactionnelle des médias, à l’encontre de laquelle, comme l’indique la Recommandation « élections », des règles fixées par le législateur dans son champ strict de compétence pour les périodes électorales « ne seraient pas acceptables ».
Lors de sa réunion plénière de mars, le Conseil de déontologie journalistique (CDJ) s’est prononcé sur deux dossiers relatifs à des débats organisés dans le cadre de la campagne électorale des communales 2024, pour lesquels le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a ouvert une instruction sans solliciter l’avis de première ligne du CDJ prévu au décret du 30 avril 2009.
Dans ces dossiers qui mettent notamment en cause le respect des principes d’équilibre et de représentativité, sur lesquels le CDJ rappelle qu’il est compétent dès lors qu’ils sont déontologiques, le Conseil souligne que :
- Les choix présidant aux modalités d’organisation d’un débat relèvent, tant en période électorale qu’en tout autre temps, de la seule liberté rédactionnelle des journalistes et des médias ;
- Le fait qu’un média soit ou non reconnu comme média de proximité et tenu ou non à des obligations légales particulières en raison de sa mission de service public n’enlève rien ni à l’indépendance, ni à la liberté de sa rédaction ;
- En période électorale, les rédactions appliquent les modalités de débat définies dans leur dispositif – préalablement mis à disposition du public et du CSA – et les choix qui en découlent de manière identique dans le souci de garantir, par l’équité de traitement, l’équilibre et la représentativité souhaités ;
- Si des points du dispositif – dont l’adoption et la publicité intervenant en amont des élections sont rendues obligatoires par le Règlement « élections » du CSA – posent problème à l’un ou l’autre acteur, ils peuvent être soumis pour discussion à la rédaction avant le début de la campagne ;
- Ayant adopté et rendu public ce dispositif, les médias se doivent de l’appliquer de manière à respecter les engagements qu’il a ainsi consentis ;
- Si les modalités d’organisation des débats doivent être – légitimement – adaptées, les rédactions veillent à ce que le public soit clairement informé, d’une manière ou d’une autre, de leur évolution et des raisons qui peuvent justifier une éventuelle différence de traitement, de manière à lui permettre de comprendre en quoi l’équilibre et la représentativité tels qu’initialement posés sont toujours respectés ;
- Confier automatiquement à une liste une place dans un débat en dépit de l’intérêt que cette liste peut réellement revêtir retirerait à la rédaction et aux journalistes l’exercice de leur liberté rédactionnelle.
Pour rappel, dans le premier cas (24-50 CDJ c. RTL-TVi (« Dans ma commune »), le CDJ – qui s’était autosaisi après avoir pris connaissance par voie de presse de l’ouverture d’une instruction par le CSA en période électorale – a jugé après examen que si la rédaction garantissait globalement un équilibre d’ensemble et une équité de traitement des différentes listes communales susceptibles de se soumettre, en Fédération Wallonie-Bruxelles, au choix des électeurs, pour les vingt débats communaux qu’il organisait dans le cadre de la série « Dans ma commune », le débat consacré à Nivelles contrevenait pour partie à la déontologie, en ce qu’il avait omis d’informer le public sur les changements apportés à son dispositif électoral. Dans le second cas (25-10 Demande d’avis de Télésambre (débats électoraux communaux)), le CDJ – interpellé par le média, qui s’étonnait du fait que le CSA avait instruit une question de nature rédactionnelle sans solliciter le CDJ – a retenu que les différents débats en cause assuraient bel et bien la représentativité et l’équilibre des forces en présence.
L’intervention de première ligne du CDJ prévue au décret protège l’indépendance et la liberté rédactionnelle des journalistes et des médias dans un secteur – l’audiovisuel – où la régulation constitue une exception. En l’occurrence, les décisions prises dans ces deux dossiers visent à prévenir toute intervention excessive dans la liberté rédactionnelle, à l’instar de ce qui s’est produit dans le dossier « Les 48 heures des bourgmestres » (RTL-TVi).
Comme le souligne la Recommandation du CDJ sur la couverture des campagnes électorales dans les médias (2023) : « La Déclaration (internationale) des devoirs et des droits des journalistes (1972) prévoit que ceux-ci doivent refuser toute pression et n’accepter de directive rédactionnelle que des responsables de la rédaction (Devoir n° 10). Le Code de déontologie journalistique (2013) exige des journalistes qu’ils ne cèdent à aucune pression (art. 11). La mise en œuvre de ces textes implique que les choix rédactionnels ne soient opérés que par les rédactions. Il est légitime que le législateur, répondant à un souci démocratique, fixe dans le champ strict de ses compétences des règles précises pour les périodes électorales, notamment dans le but d’assurer l’indépendance de l’information, l’équité entre les candidats, le libre choix de l’électeur ou la régularité d’un scrutin… Toutefois, des règles allant à l’encontre des valeurs démocratiques ou de l’indépendance rédactionnelle ne seraient pas acceptables ».