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Etude sur les médias aux Etats-Unis : une presse fragile, y compris en ligne

24/03/2010

Le Projet pour l’excellence dans le journalisme (Pew project for excellence in journalism), émanation de l’institut de recherches indépendant Pew research center, vient de publier son étude annuelle sur l’état de santé des médias d’information américains. Principaux constats : la chute des recettes publicitaires s’est étendue au web tandis que seulement 7% des internautes américains se disent prêts à payer pour s’informer. Pour l’institut, il est évident que les médias en ligne peinent à trouver un modèle rentable. Dans le même temps, la diffusion de l’information s’accélère, laissant aux journalistes de moins en moins de temps à la réflexion.

Belpress.com La crise du marché publicitaire s’est accentuée en 2009 aux Etats-Unis. « Les journaux, y compris en ligne, ont vu leurs revenus chuter de 56%. Au cours de ces trois dernières années, ceux-ci ont diminué de 43%« , note le rapport du Pew center. Le situation ne s’est pas non plus améliorée pour les magazines (-17 %), la radio (-22%), les télévisions locales (-22%). Même les médias en ligne ont perdu 5% de leurs recettes publicitaires par rapport à 2008 (79% des internautes disent rarement cliquer sur une bannière publicitaire, qui ne les dérangent pas mais qu’ils ignorent) mais la reprise est annoncée pour 2010. (photo : Belpress.com)
Des pertes énormes estime le Pew center, qui évalue que le manque à gagner pour l’ensemble de l’industrie médiatique à 1,6 milliards de dollars depuis 2000. Une industrie qui, dans le même temps, a perdu 30% de sa capacité éditoriale. « Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les journaux ne disparaissent pas en masse : seulement une demi-douzaine ont cessé leur activité l’an passé« , souligne encore le rapport. Par contre, 15.000 emplois ont disparu en 2009, passant de 55.000 à 40.000 unités. « Ce qui signifie que les rédactions ont maigri de 27% en trois ans« , et ce mouvement devrait se poursuivre en 2010.

Les médias « traditionnels » incontournables

Côté audiences, 54 millions d’Américains achetaient chaque jour un quotidien en 2009, 30 millions se connectaient au web pour y chercher de l’info et 6,8 millions lisaient un blog. Sur 35% des internautes disant avoir leur site d’information préféré, 19% sont prêts à payer pour accéder à son contenu, soit 7% de l’ensemble des internautes (1) ; et 57% consultent de deux à cinq sites pour s’informer (2).
Sur les 199 sites d’information les plus consultés répertoriés (3), c’est-à-dire comptant un minimum de 500.000 visiteurs mensuels, 133 sont liés à des médias traditionnels. Mais les trois premières places sont occupées par de « nouveaux » opérateurs, agrégateurs de contenu et « pure players » : Yahoo!News, la chaîne de télévision en ligne MSNBC Digital Network et AOL News. A ce propos, il est intéressant de noter qu’une enquête menée par le Pew center dans la ville de Baltimore (4), a récemment démontré que les principaux pourvoyeurs d’informations restent les médias classiques. Sur 53 canaux analysés dans le cadre de cette étude, il est apparu que la presse généraliste (papier et internet) produisait 48% des informations, les journaux spécialisés 13%, les télévisions locales 28%, la radio 7% et les nouveaux médias 4% seulement. Et de mettre en lumière la grande redondance du web dont la structure technique favorise la reproduction de l’information. « Quand les journaux auront disparu, que restera-t-il à agréger sur internet« , se demandait à ce propos Jeff Jarvis, blogueur et ardent défenseur du journalisme citoyen (5).
En ligne, les expériences se sont poursuivies avec d’anciens journalistes à la tête de sites d’information et de sites communautaires, et des citoyens-reporters couvrant l’actualité de leur quartier. 2009 fut aussi l’année de l’émergence de Twitter, « un puissant outil de dissémination de l’information et de mobilisation citoyenne« .

Les médias sociaux populaires mais moins fiables

Sur un million de blogs – desquels les jeunes se détournent peu à peu au profit de réseaux sociaux comme Facebook (6) – et sites sociaux analysés, 80% des liens qu’ils contiennent pointent vers les sites de médias traditionnels et 20% vers les sites de médias hors-USA. Mais « 72% des Américains pensent que leur couverture de l’information est biaisée et 70% se sentent dépassés par le volume de l’information« .

Les médias sociaux sont devenus une partie intégrante de l’écosystème médiatique, relève le Pew center, et leur succès s’expliquerait parce qu’ils permettent aux internautes de se connecter rapidement entre eux et de partager leurs passions. Ces médias sont devenus à ce point importants qu’une récente étude menée par le cabinet Cision et la George Washington University (7) auprès des journalistes de la presse écrite et internet estime à 89% le nombre de journalistes à donner de l’importance aux blogs, 65% aux réseaux sociaux et 52% au sites de microblogging. Adeptes mais méfiants : 84% des sondés estiment que les contenus de ces médias sociaux sont moins ou légèrement moins fiables que ceux des médias traditionnels.

Les tendances pour 2010

Parmi les grandes tendances annoncées pour 2010 par le « Projet pour l’excellence dans le journalisme », le glissement de l’intérêt pour l’information locale vers l’info nationale et internationale, et la poursuite des efforts – qui concernent tous les types médias –, dans la recherche d’un modèle économique viable. « Un modèle unique ne suffit pas« , souligne le rapport, qui entre autres expériences fructueuses épingle celle des partenariats avec la presse lancés par Yahoo en 2006 et auquel adhéraient, l’an passé, environ 800 journaux.

L’épais rapport 2009 du « Projet pour l’excellence dans le journalisme » est consultable gratuitement en ligne, avec moteur de recherche intégré. Nouveauté cette année, il s’accompagne d’une section « A qui appartiennent les médias », recensant les quelque 120 sociétés actives dans ce secteur aux Etats-Unis, revenus et audiences compris.


(1) Selon une enquête menée par l’Institut Gfk, la majorité des Européens refuse de payer pour s’informer en ligne : les Belges interrogés étaient 56% à estimer que tous les contenus doivent être gratuits et en acceptent la publicité, 27% que tous les contenus doivent être gratuits et sans publicité, 10 % sont prêts à payer pour du contenu sans publicité et seulement 4% sont prêts à payer pour du contenu en acceptant la publicité.
Source et tableau comparatif : http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39750230,00.htm

Par ailleurs, indiquent les Journaux francophones belges (JFB), les éditeurs de la presse quotidienne pensent depuis un certain temps à faire payer certains de leurs contenus en ligne mais aucune décision formelle n’a été prise à ce jour.

(2) Lire également Aux Etats-Unis, une étude révèle la fragilité économique des sites d’information en ligne, par Xavier Ternisien in Le Monde du 20/03/2010

(3) Liste établie par l’institut Nielsen NetRatings

(4) Cette étude a été publiée en janvier 2010 : www.journalism.org/analysis_report/how_news_happens

(5) Source : Selon une étude américaine à Baltimore, les médias traditionnels produisent encore la majorité des informations, par Xavier Ternisien in Le Monde du 15/01/2010

(6) Cette étude a été publié en février 2010 : http://pewresearch.org/pubs/1484/social-media-mobile-internet-use-teens-millennials-fewer-blog?src=prc-latest&proj=peoplepress

(7) Lire aussi : http://blog.lefigaro.fr/medias/2010/02/les-reseaux-sociaux-nouvelles.html

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