Voilà un curieux phénomène. Cette mesure, qui consiste à retarder la diffusion d’une information jusqu’à un certain délai (heure et/ou date) à la demande de celui qui la fournit, est assez courante dans notre métier. Mais aucune charte de déontologie ni aucun texte de loi ne la mentionne. Cela n’empêche pas que l’embargo soit considéré par la profession et par les autorités publiques comme une obligation à respecter, même lorsque cet embargo est décrété unilatéralement par la source.
En 1999, une circulaire rédigée par le ministre de la Justice et le collège des procureurs généraux définissait des modalités d’information entre la Justice et la presse. Le document prévoit explicitement le recours à l’embargo si la protection de certaines personnes le justifie. La déontologie, dans la jurisprudence de l’AGJPB, recommande aussi de respecter un embargo. En effet, celui-ci a généralement un objectif parfaitement respectable :
– mettre tous les médias sur le même pied (dans l’envoi d’un rapport international par exemple) ;
– faciliter le travail des journalistes (en leur procurant un discours avant qu’il soit prononcé) ;
– protéger des personnes ou la société (dans une enquête policière, une instruction judiciaire, …).
Reste l’exception : l’embargo justifié seulement par l’intérêt de celui qui le demande (un embargo « de commodité », écrit la déontologie suisse). Cela devient alors une façon grossière de réduire la presse au silence. Les journalistes ne doivent évidemment pas le respecter.
Journalistes n°83, juin 2007, Jean-François Dumont