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En 10 ans, quelle évolution de la diversité au sein de la profession de journaliste ?

03/10/2024

Accompagnée pour cette nouvelle édition par l’Observatoire de Recherche sur les Médias et le journalisme (ORM) de l’UCLouvain, l’Association des Journaliste Professionnels (AJP) réitère son étude sur la diversité au sein de la profession de journaliste en Fédération Wallonie-Bruxelles. Menée pour la première fois en 2012, cette nouvelle étude permet d’évaluer les (non)évolutions de la profession en termes de diversité, sur une période de 10 ans. Au-delà de la comparaison quantitative des résultats, l’étude questionne également la perception par les journalistes comme par leurs responsables hiérarchiques des questions de diversité dans la profession.

Cette nouvelle publication a été présentée ce jeudi 3 octobre 2024, à la Tour de plomb à Bruxelles, en présence des chercheurs de l’ORM, Olivier Standaert et Grégoire Lits. La présentation a été suivie d’une discussion avec Stéphanie Meyer (rédactrice en chef adjointe BX1), Aurore Mudiayi Bukassa (Newsmanager et manager Diversité et Inclusion Belga), Claire Godding (Senior Expert Diversité et Inclusion Febelfin) et Fatima Zibouh (experte sur la diversité, l’inclusion et la discrimination).

Dix ans après notre première étude à ce sujet, le portrait-type du journaliste a-t-il évolué ? Non, c’est toujours homme universitaire blanc de 47 ans. Qu’en est-il de la parité de genre dans les rédactions ? « Si rien ne change, elle sera atteinte en … 2064 » ! La profession de journaliste attire-t-elle des jeunes issu∙es de groupes minorisés ? Assez peu, une certaine homogénéité caractérise les profils des candidat∙es, issu∙es des principaux lieux de formation en journalisme en Communauté française. Remarque-t-on une prise de conscience des enjeux de diversité par les responsables hiérarchiques des rédactions ? On constate surtout des difficultés à les intégrer dans les politiques de recrutement et de gestion des carrières.

D’autres données concernent également les convictions ou opinions des journalistes, ainsi que leur engagement associatif. Tous les résultats sont disponibles en ligne : www.ajp.be/diversite.

Une attrition féminine au cours de la carrière

L’étude met en lumière le phénomène de « leaky pipeline » (ou métaphore du « tuyau percé ») : au fil de l’avancement de leur carrière, les femmes journalistes disparaissent, à l’image d’une fuite dans la profession. L’existence de stéréotypes et préjugés de genre, la répartition disproportionnée des missions, un accès inégal aux postes à responsabilité, une culture professionnelle peu inclusive, voire hostile, sans role model pour les femmes journalistes… sont tout autant de raison pour lesquelles les femmes la quittent. De même que la persistance d’un modèle de travail à temps plein : le secteur des médias, contrairement aux autres secteurs, propose peu d’horaires compatibles avec la vie privée. De plus, ce phénomène d’attrition féminine n’a que peu évolué en dix ans. En effet, le pourcentage de près de 50% de femmes journalistes parmi la cohorte des moins de 30 ans en 2012 n’a pas été conservé en 2023, ce groupe est retombé à 42,9%.

Le secteur journalistique a ainsi 37 ans de retard par rapport à la tendance de la féminisation de l’emploi observée de manière macroscopique en Belgique. Si ces tendances se poursuivent au même rythme, il est possible de calculer que la parité en termes d’emploi ne sera atteinte qu’en 2064 dans le journalisme belge francophone !

Quelle vision de la diversité par la profession ?

Si la première partie de ce rapport a pour objectif de décrire de manière statistique les évolutions en termes de diversité des profils de journalistes, la seconde partie rend compte de la manière dont les évolutions en termes de gestion de la diversité sont expliquées par les journalistes d’une part, ainsi que par les responsables hiérarchiques des principales rédactions belges francophones d’autre part.

Les attitudes des journalistes vis-à-vis de la diversité révèlent un soutien majoritaire mais contrasté. La plupart des journalistes interrogé∙es reconnaissent l’importance de la diversité, notamment en termes de genre, et considèrent qu’elle peut même améliorer la performance des rédactions.

Si l’idée de mettre en place des politiques de recrutement visant à inclure certains profils plus diversifiés est assez largement soutenue par les journalistes, les responsables hiérarchiques, quant à elles∙eux, sont davantage réticent∙es à l’idée d’adopter de telles stratégies. Cela pourrait expliquer la lenteur des progrès en matière de diversité et d’inclusion que relève cette étude. Par ailleurs, ces responsables mentionnent des difficultés pratiques à intégrer les enjeux de diversité dans les politiques de recrutement et de gestion des carrières. La diversité socio-culturelle et celle relative aux personnes en situation de handicap sont perçues comme des défis particulièrement complexes, nécessitant des efforts soutenus et une approche proactive forte au sein des organisations.

Méthodologie et fiche technique de l’étude

La méthodologie s’appuie sur le questionnaire élaboré en 2012 pour la première étude en la matière. L’objectif était de répliquer le plus fidèlement possible l’étude de 2012 afin de mesurer l’évolution de la diversité dans les rédactions belges francophones au cours de la décennie écoulée. Certaines questions ont été reformulées, d’autres, plus qualitatives et portant sur la perception des enjeux liés à la diversité, ont été ajoutées. 538 journalistes ont répondu à l’enquête, entre le 31 mai et le 14 juillet 2023. Les entretiens de recherche avec les responsables de rédactions, menés entre octobre et décembre 2023 et portant sur les enjeux de diversité, constituent une nouveauté par rapport à la première étude.

L’exploitation des données et la rédaction de cette étude ont été confiée à l’ORM, plus particulièrement aux Professeurs Grégoire Lits et Olivier Standaert.

L’étude a été coordonnée par Guylaine Germain (AJP), mise en page par Jean-Pierre Borloo (AJP) et mise en ligne par Julia Vanderborght (AJP). Elle est illustrée par Chloé Streveler. Le projet est financé dans le cadre de la convention pluriannuelle signée entre l’AJP et la Fédération Wallonie-Bruxelles.