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Egalité et diversité en presse quotidienne : les indicateurs sont au rouge !

12/10/2011

Femmes, milieux professionnels, âges, origines : de qui nos quotidiens parlent-ils ?  L’Association des journalistes professionnels (AJP) a publié ce 12 octobre 2011 une étude portant sur la représentation de la diversité et de l’égalité dans les quotidiens de la Fédération Wallonie Bruxelles (FWB). Elle révèle des déficits importants sur tous les critères analysés et une surreprésentation de certaines catégories dans l’information (les hommes, les cadres, les « blancs »).


Cette étude est une première pour la FWB et probablement une première européenne. Si les médias audiovisuels ont été analysés au plan de la diversité et de l’égalité – cf. le récent « Baromètre de l’égalité et de la diversité du CSA » – aucune recherche n’avait encore été menée pour la presse quotidienne d’information générale.
L’étude porte sur 6 quotidiens (Le Soir, La Libre Belgique, La Dernière Heure-Les Sports, Metro, Le Courrier de l’Escaut, Nord-Eclair). L’échantillon a été élaboré au départ de la semaine du 6 au 12 juin 2011. Sur cette semaine, 3 jours ont été sélectionnés, ce qui représente 2225 articles et 9576 « intervenants », encodés selon 5 axes de diversité (sexe, origine, âge, milieux professionnels, handicap) et selon 26 critères qualitatifs (rôle des intervenants, identification,…). La méthodologie est celle qu’a développée le CSA pour le « Baromètre audiovisuel », ce qui permet de comparer les résultats.

Synthèse des résultats

Sabri Derinöz, chercheur, Fadila Laanan, ministre de l’Egalité des chances dans la Fédération Wallonie-Bruxelles, et Martine Simonis, secrétaire générale AJP, lors de la présentation des résultats de la recherche.

L’étude montre une très faible présence des femmes dans la presse quotidienne belge francophone : moins de 18 % de femmes en moyenne. La proportion tombe à moins de 15 % pour les « hard news » (politique et économie) et chute à moins de 7 % pour les pages sportives. La présence des femmes décroît au fur et à mesure que leur âge augmente : il y a une forme de jeunisme accolé à la présence féminine dans les quotidiens. Les femmes sont plus rarement et plus faiblement identifiées que les hommes. Elles sont moins souvent interviewées et plus souvent confinées dans un rôle passif.  Les experts et porte-parole sont très majoritairement des hommes (85 %). Les femmes interviewées le sont comme simple quidam ou vox populi(35%). C’est dans la catégorie des  » victimes » que l’on trouve un quasi équilibre entre les sexes : 48 % de femmes.

83% des intervenants dont l’origine a pu être identifiée sont perçus comme étant blancs. Si l’on sélectionne uniquement les photos, le taux de blancs grimpe à 90 %. C’est l’information internationale qui fait le plus de place à la diversité d’origines (avec un peu moins de 30 % de non-Blancs) à l’inverse de l’info nationale (6 % seulement). L’information de proximité est un peu plus diversifiée que l’info nationale au plan des origines (12 %).Les rôles dans lesquels les non-blancs interviennent sont, comme pour les femmes, fortement différenciés : ils sont très rarement experts (6%), porte-parole (3%), journalistes (3 %) mais on les trouve quasi à parité dans la catégorie des victimes (45 %) et dans celle des auteurs d’actes répréhensibles (49 %).

Plus de la moitié des intervenants dans la presse belge francophone proviennent des catégories socioprofessionnelles (CSP) supérieures. Au-delà de ces cadres, dirigeants, professions intellectuelles et scientifiques, on trouve encore un tiers de sportifs. Ensemble, toutes les autres CSP (employés, ouvriers, agriculteurs, inactifs…) ne représentent que 6% des intervenants.
L’étude montre une relative surreprésentation des catégories d’âges correspondant à la vie active (19-64 ans), cette tranche formant jusqu’à 94 % des intervenants en information nationale. Les jeunes de moins de 18 ans et les seniors de plus de 65 ans sont très peu représentés : pour résumer, on peut dire qu’un jeune sur deux et deux seniors sur trois disparaissent dans le filtre de la presse écrite belge francophone.

Enfin, les intervenants ayant un handicap sont quasiment inexistants dans la presse belge francophone (0,33%) ; lorsqu’ils sont présents, c’est surtout dans les pages locales (73 % des intervenants ayant un handicap).

Au-delà des constats, informer et sensibiliser

Cette étude pose des constats, vise à objectiver la représentation de la diversité en presse quotidienne. On devrait à ce stade parler plutôt d’uniformisation des intervenants en presse écrite : les personnes que l’on donne à lire et à voir sont à une majorité écrasante des hommes, blancs, issus de CSP supérieures, et de la classe d’âge active. Tous les autres intervenants font en outre l’objet d’un traitement médiatique différent : moins identifiés, moins interviewés, moins illustrés.

L’étude n’avait pas pour objectif de répondre à la question du « pourquoi ? ». Tenter de cerner les processus qui mènent à de tels déficits de représentation de la diversité devrait faire l’objet d’autres recherches. On peut avancer quelques pistes de réflexion, relatives à l’actualité et aux sources elles-mêmes, aux choix professionnels (conscients ou non) posés par les journalistes, aux cibles de lectorat et enfin à la composition des équipes journalistiques.

L’objectif de l’AJP est au départ de ces chiffres, de rencontrer les équipes rédactionnelles des quotidiens, d’informer et de sensibiliser les étudiants en journalisme et les journalistes professionnels aux questions de genre et de diversité. Et de tenter avec eux de comprendre les déficits d’égalité et de diversité, afin d’améliorer ce qui peut l’être. Les préoccupations de l’AJP s’inscrivent dans le champ de la qualité de l’information, dont la diversité et l’égalité sont des critères.

L’Etude de la diversité et de l’égalité dans la presse quotidienne belge francophone, est disponible sur cette page ou via www.ajp.be/diversité. Elle peut aussi être commandée en version papier www.ajp.be/librairie

Ce projet a reçu le soutien de la Ministre Laanan, de la Direction de l’égalité des chances et du Service général de l’audiovisuel et des multimédias de la FWB.

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