La nouvelle circulaire des procureurs généraux est dangereuse pour la liberté d’informer
La nouvelle circulaire des procureurs généraux organisant la communication du ministère public vers les médias contient plusieurs dispositions particulièrement inquiétantes pour les journalistes et leur liberté d’informer. L’AJP n’a pas été associée à la réflexion.
Cette circulaire en remplace une autre, édictée en 1999. En vingt ans, la Justice a changé – un peu – et le monde dans lequel elle évolue encore plus : réseaux sociaux, vitesse de l’information, nouveaux formats journalistiques,… Il était donc normal que les procureurs généraux mettent à jour les dispositifs de communication des polices et Parquets et précisent leur organisation interne en la matière.
Mais plusieurs dispositions sont préoccupantes pour les journalistes et le travail journalistique. La concentration de la communication entre les mains de magistrats de presse, censés être les uniques points de contact des journalistes, n’est déjà pas une bonne nouvelle pour l’accès à l’information des journalistes. Mais la circulaire ne fait que formaliser ce qui s’est déjà organisé au fil des années.
Certaines dispositions, qui concernent spécifiquement les relations avec les journalistes, sont inacceptables : ainsi, la circulaire prévoit que les journalistes ou réalisateurs d’émissions, reportages et documentaires télévisés doivent signer une convention rédigée par le parquet, convention qui contiendra obligatoirement une clause permettant de censurer inconditionnellement le contenu du reportage ! « Il en résulte que le magistrat presse peut faire effacer, ou interdire de diffusion, des textes, paroles ou images, sans avoir à en justifier la raison ou le fondement auprès de son interlocuteur », peut-on y lire tranquillement. On croit rêver : des magistrats établissent une censure préalable du travail journalistique, en violation flagrante de l’article 25 de la Constitution, et des normes internationales !
La lecture de cette convention vaut également son pesant de cacahuètes : elle instaure donc un visionnage préalable du reportage ou du documentaire – seule façon de pouvoir appliquer la censure – et stipule qu’en cas de « désaccord sur un éventuel traitement des images ou du texte, la décision finale revient au magistrat presse/ministère public ». Les images et interviews qui n’auraient pas été utilisées pour le reportage ou le documentaire devront être détruites.
La circulaire permet aussi au magistrat presse d’exclure des destinataires de ses informations « un journaliste qui n’aurait pas respecté un engagement pris auprès du magistrat presse » et de dénoncer la pratique de ce journaliste à l’Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB) pour qu’elle transmette l’information au Conseil de déontologie !
L’AJP n’a en aucune manière été consultée lors de l’élaboration de cette circulaire, qu’elle a découverte après son entrée en vigueur le 17 janvier dernier. L’AJP va écrire au Collège des Procureurs généraux.